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Un véhicule de plus de 30 ans est-il nécessairement un véhicule de collection ?
Les administrations douanières et fiscales nous contraignent à mettre les pieds dans le plat et à aborder des sujets qui fâchent : un véhicule ancien est-il nécessairement un véhicule de collection ?
Parmi les trois critères qualifiant le véhicule de collection, celui de l’état d’origine risque de mettre le feu aux poudres, tant il s’agit d’une appréciation factuelle, et tant cette appréciation est susceptible de ne pas faire l’unanimité chez les passionnés.
La tâche est encore plus délicate lorsqu’elle incombe au juge de l’impôt, dont la vocation première n’est pas de devenir un spécialiste de l’automobile, encore moins de collection.
L'ESSENTIEL :
Un véhicule est qualifié de collection au sens de la réglementation douanière (et donc au sens de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe sur les ventes d’objets précieux !) s’il respecte les trois conditions cumulatives suivantes :
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il se trouve dans son état d'origine, sans modification substantielle du châssis, de la carrosserie, du système de direction, de freinage, de transmission ou de suspension, ni du moteur (I) ;
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il est âgé d'au moins 30 ans (II) ;
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il correspond à un modèle ou à un type dont la production a cessé (III).
I. ÉTAT D'ORIGINE DU VÉHICULE
La notion d’état d’origine du véhicule n'est pas définie précisément par les réglementations applicables. Faute d'exemples d’application, c'est ainsi aux juges du fond que revient la lourde tâche de préciser les contours la notion d’état d’origine du véhicule.
Force est de reconnaître que ceux-ci prennent leur mission très à cœur, au point d’oser des distinctions que le collectionneur n’aurait sans doute pas faites lui-même. En voici un exemple !
La Cour administrative d’appel de Nancy (9 novembre 2023, 21NC01568) a récemment retenu une lecture restrictive de la définition de véhicule de collection, en jugeant que ne constituent pas des véhicules de collection :
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d’une part, une Ferrari 330 GT mise en circulation en 1964 « dont la peinture du châssis et de la carrosserie et la sellerie n'étaient pas conformes à l'original » ;
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d'autre part, une Alpine A 110 mise en circulation en 1972, ayant subi une « modification de sa boîte de vitesse et non pas simplement une restauration à l'identique ».
Au cas d’espèce, cette solution s'est avérée très favorable au contribuable puisqu'elle lui a permis d'être exonéré de taxe sur les ventes d’objets précieux.
Néanmoins, ce faisant, le juge s’est quelque peu départi de la définition donnée par la réglementation, puisqu’il a tenu compte de la modification d’un élément que celle-ci n’identifie pas comme pouvant remettre en cause la qualification de véhicule de collection (la sellerie). Il semble par ailleurs ne pas s’être interrogé sur l’ampleur des modifications (couleur de la peinture, modification de la boite de vitesse...).
Nous sommes prêts à parier que si un panel de collectionneurs avait été interrogé, les deux véhicules auraient été qualifiés de collection par une majorité d’entre eux. On remarquera d’ailleurs que les trois critères utilisés par la réglementation européenne sont également ceux utilisés pour l’attribution des cartes grises de collection. Or, en pratique, la Fédération française des véhicules de collection (FFVE) ne s’assure pas de l’originalité de la peinture ou de la sellerie et ne demande par principe pas de photos de la boite de vitesse !
Quoique discutable, cette jurisprudence n’est pas isolée. Dans un arrêt, lui aussi récent, de la Cour d’appel de Paris (30 mars 2022, 20PA02685) portant sur une Ford GT 500 Shelby dont la boîte automatique d'origine avait été remplacée par une boîte mécanique 5 rapports, la Cour a estimé que la « boîte automatique constituait l'une des caractéristiques identifiant ce modèle en particulier au regard de son numéro de châssis » et que son remplacement constituait une modification substantielle, lui faisant ainsi perdre sa qualification de collection.
Quelle portée donner à ces jurisprudences ?
Avant qu’il remplace ses magnifiques velours bleu pétrole par de discutables sièges en skaï rose fuchsia pour bénéficier d’une exonération de taxe sur les objets précieux, ou inversement, avant qu’il fasse repeindre sa voiture dans le blanc cassé d’origine qui lui allait si mal afin d’aller chercher un taux de réduit de TVA, nous recommandons au lecteur une certaine prudence concernant la portée de ces décisions, qui :
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demandent à être confirmées ou infirmées par le Conseil d’État ;
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ne sont pas publiées et font l’objet de commentaires relativement limités (à ce propre article, ces sujets n’intéresseraient-ils que nous ?) ;
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doivent être interprétées au vu d’un contexte où les contribuables avaient intérêt à retenir une interprétation stricte de la notion de véhicule de collection.
Notons d’ailleurs que dans les deux arrêts précités :
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la situation d’autres véhicules était étudiée. Ils sont tous qualifiés de véhicule de collection par le juge, faute d’éléments probants apportés par le contribuable ;
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la Cour fait référence à des critères qui ne font pas partie de la liste donnée par la réglementation européenne (prix substantiellement plus élevé qu’une automobile standard, marques prestigieuses, absence d’impact des modifications effectuées sur la valeur), même si ceux-ci nous semblent plutôt utilisés afin de conforter une analyse que comme véritables critères.
Il n’en reste pas moins que ces jurisprudences donnent une définition du véhicule de collection, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, et sont susceptibles de fixer un précédent plutôt favorable en matière de taxe sur les ventes d’objets précieux, plutôt défavorable dans les autres cas (TVA et droits de douane).
Un véhicule doté d’une carte grise collection est-il nécessairement un véhicule de collection ? Cela dépend des impôts ! Pour les besoins de la taxe sur les ventes d’objets précieux, un véhicule est réputé être de collection s’il est doté d’une carte grise collection. Tel n’est en revanche pas le cas en matière douanière et de TVA (allez voir notre fiche sur les enjeux liés à la définition fiscale du véhicule de collection !).
Les véhicules de moins de 30 ans sont-ils nécessairement exclus de la définition de véhicule de collection ? Non, un véhicule de moins de 30 ans peut être considéré comme étant de collection s’il a participé à un événement historique ou s’il est doté d’un palmarès significatif (allez voir notre fiche sur les véhicules de compétition ou ayant participé à un événement historique !).
Quid de la qualification donnée par un professionnel ? Elle peut être utilisée comme indice parmi d’autres par l’administration fiscale pour contester la position d’un contribuable, comme en témoigne un arrêt de la Cour administrative de Paris retenant la qualification de véhicule de collection donnée par une maison de vente aux enchères dans la présentation du véhicule (20 février 1996, 94PA00088), ou un second retenant la mention sur une facture (26 janvier 2021, 18PA00358). En revanche, cette qualification est plus difficilement opposable par le contribuable. Pour le cas où il existe un doute sur la qualification du véhicule, il nous semble prudent d’éviter de qualifier celui-ci dans la documentation contractuelle.
II. ÂGE DU VÉHICULE
Pour pouvoir être qualifié de véhicule de collection, le véhicule doit être âgé de plus de 30 ans. Même si la réglementation ne le précise pas expressément, c’est bien la date du spécimen acquis ou cédé qui doit être retenue, et non celle du modèle.
Un même modèle peut donc être considéré comme étant de collection ou non suivant sa date de fabrication. Le millésime devient ainsi particulièrement important pour les transactions portant sur des véhicules approchant les 30 ans.
Notons que dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, le juge mentionne les dates de mise en circulation des véhicules. Il nous semble néanmoins que la rigueur juridique voudrait que ce soit la date de fabrication qui soit retenue.
En effet, la réglementation douanière fait appel à la notion de « véhicule âgé de », et indique a contrario que les véhicules ayant participé à un événement historique constituent des véhicules de collection, peu importe leur « date de fabrication ».
Enfin, utiliser la date de fabrication plutôt que la date de mise en circulation permet d’éviter certaines difficultés, notamment en l’absence de mise en circulation du véhicule (ce qui peut notamment être le cas de certains véhicules de compétition).
Néanmoins, il nous semble que la date de mise en circulation reste un élément pertinent, notamment lorsque la date de fabrication ne peut pas être prouvée.
III. PRODUCTION AYANT CESSÉ
Le véhicule de collection doit enfin ne plus être produit, ce qui ne devrait, en pratique, que très rarement poser difficulté. En effet, ce n’est pas parce que l’on a pour habitude de dire que la Porsche 911 fait l’objet d’une production continue depuis 1963 qu’il ne faut pas en distinguer les différentes versions qui se sont succédées. Le modèle original ne peut donc être considéré comme étant toujours produit.
Si l’on devait s’en tenir à une interprétation purement littérale de la loi, certains cas seraient néanmoins plus sensibles :
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celui des constructeurs comme Morgan et Caterham, dont le cœur de métier consiste à produire des modèles qui ne font qu’évoluer à la marge d’année en année ; ou
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celui de modèles faisant l’objet de « continuations » (re-)produites de manière plus ou moins cycliques par certains constructeurs.
Néanmoins, pour ces véhicules, de bons arguments devraient permettre de justifier d’une cessation de la production du modèle d’origine. Notez que l’on parle bien de la situation du véhicule ancien qui est reproduit et non de celle de la reproduction qui sera qualifiée de véhicule moderne.
IV. CONCLUSION
Vous étiez prévenus ! La qualification de véhicule de collection est source d'innombrables débats. En la matière, le diable se cache souvent dans les détails, et la situation d’un véhicule ayant fait l’objet de modifications substantielles nécessite une étude au cas par cas.
Pour ceux que le sujet intéresse, nous avons développé dans une fiche dédiée quelques cas pratiques.
POUR ALLER PLUS LOIN - L’ESPRIT DES TEXTES :
Face à l’imprécision des textes et de la doctrine administrative, le réflexe du fiscaliste sera de se tourner vers l’esprit de la législation.
En matière douanière et de TVA, la qualification de véhicule de collection est plutôt favorable car elle donne accès au taux réduit de TVA de 5,5 % et à une exemption de droits de douane.
Ce régime se justifie par la volonté d’encourager l’acquisition d’objets d’arts et de collection, au rang desquels figurent les véhicules de collection, mais aussi de favoriser le maintien de ces objets dans un état aussi proche que possible de celui d’origine, dans une logique de préservation des éléments de notre patrimoine.
Il faut néanmoins reconnaître aux véhicules un statut spécifique parmi les objets de collection. Tout d’abord, utilisés de manière plus intense, leurs caractéristiques physiques et techniques s’altèrent plus rapidement que celles d’autres objets.
Ensuite, ils n’ont historiquement pas toujours fait l’objet d’un intérêt aussi important. En témoignent notamment les nombreux véhicules sortis de grange, qui n’ont, par définition, pas tous été conservés dans des conditions permettant le maintien de leur intégrité.
Un équilibre doit donc être trouvé entre rigueur nécessaire à la préservation du patrimoine, et prise en compte de la vie particulière de ces objets et de l’évolution de leur perception par le public.
La réglementation tente de répondre à ces enjeux en précisant que « les réparations et les restaurations sont autorisées ; les pièces, accessoires et unités endommagés ou usés peuvent être remplacés pour autant que le véhicule soit conservé et maintenu dans un bon état sur le plan historique. ».
Toutefois, en excluant implicitement les véhicules ayant fait l’objet de modifications substantielles (les véhicules modifiés sont exclus par lecture a contrario de la définition de véhicule de collection qui requiert une absence de modification substantielle) puis expressément les véhicules ayant fait l’objet de modifications où de modernisations (la réglementation par la suite que « Les véhicules modernisés ou modifiés sont exclus »), les textes conservent une définition restreinte du véhicule de collection.
On remarquera par exemple que la législation appréhende mal le fait que la modification des propriétés physiques et techniques d’un véhicule, destinée à le rendre plus élégant, plus confortable, ou plus performant, est une pratique largement répandue, qui peut être considérée comme faisant partie de l’histoire automobile.
La taxe sur les ventes d’objets précieux répond à des motivations différentes. Le législateur a en effet voulu souhaiter instaurer une taxation forfaitaire sur leur prix de cession comme alternative à l’imposition des plus-values, afin de pallier aux difficultés de détermination du montant de ces dernières.
A première vue, cette taxe forfaitaire dont le taux est moins élevé que celui applicable aux plus-values des particuliers (mais s’appliquant à une assiette plus élevée) peut paraître favorable au contribuable (allez voir notre fiche consacrée à l’arbitrage entre l’imposition selon le régime des plus-values des particuliers et l’application de la taxe sur les ventes d’objets précieux !).
Il n’en est toutefois rien pour les cessions de véhicules de collection qui, si cette taxe n’existait pas, n’entreraient tout bonnement pas dans le champ d’application de l’impôt !
En visant les véhicules de collection, le législateur cherche donc à en fiscaliser les cessions, parce qu’il en est de son intérêt. On notera que celui-ci se garde bien d’imposer les véhicules modernes, qui pour une grande majorité se déprécient, afin d’éviter d’avoir à admettre la constatation de déficits.
Textes de référence :
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CAA de Nancy, 2ème chambre, 09/11/2023, 21NC01568, Inédit au recueil Lebon
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CAA de PARIS, 7ème chambre, 30/03/2022, 20PA02685, Inédit au recueil Lebon
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CAA de Paris, 2e chambre, du 20 février 1996, 94PA00088, inédit au recueil Lebon
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CAA de PARIS, 7ème chambre, 26/01/2021, 18PA00358, Inédit au recueil Lebon