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Quelles sont les charges afférentes à un véhicule déductibles du résultat fiscal d'une société ou d'une entreprise ?

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Le lecteur désormais averti en fiscalité automobile que vous êtes commence à se poser des questions. Vous pensez structuration. Pourquoi ne pas affecter votre véhicule à votre exploitation ? Voire pourquoi ne pas le détenir par l’intermédiaire d’une société ? Ça va vite, très vite dans votre esprit. Un peu trop vite ? Peut-être. 

 

Certes, si vous utilisez votre véhicule à des fins professionnelles, vous serez en mesure de déduire des charges de votre résultat fiscal. Encore faut-il que les inconvénients liés à cette affectation n’en surpassent pas les avantages. On vous explique pourquoi !

L'ESSENTIEL :

 

  • Seules sont déductibles les charges exposées dans l’intérêt de la société ou de l’entreprise. Une attention particulière doit être portée aux dépenses de communication ou de sponsoring (I) ;  

 

  • La déductibilité fiscale de l'amortissement du véhicule est limitée, ce qui peut être source de surimposition en cas de cession  (II).  

I.  PRINCIPE GÉNÉRAL - DÉDUCTIBILITÉ DES SEULES CHARGES CONFORMES À L'INTÉRÊT DE L’ENTREPRISE

Que vous soyez soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu à raison d’une exploitation individuelle, vos charges ne sont déductibles que si elles sont constatées dans l’intérêt de votre entreprise.

 

A ce titre, les frais de transports sont déductibles lorsqu'ils sont nécessités par l'exercice de la profession, quel que soit d’ailleurs le moyen de transport utilisé. Nous précisons que les frais de déplacement afférents aux quarante premiers kilomètres du trajet entre le domicile et le lieu de travail sont toujours déductibles. Au-delà, le contribuable doit justifier que le choix de son lieu de résidence ne résulte pas de motifs de pure convenance personnelle.

 

En revanche, que se passe-t-il lorsque le véhicule n’est pas utilisé pour des déplacements professionnels, mais à des fins de communication ? Lisez attentivement ce qui suit et soyez vigilants car le sujet est particulièrement bien maîtrisé par l’administration fiscale, qui procède à des contrôles réguliers.   

Illustrons notre propos à l’aide d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (7 février 1995, n° 93-1497). Dans cette affaire, décision avait été prise par un gérant de porter un véhicule de collection au bilan de sa société exploitant un garage. 

 

L’administration fiscale a refusé la déductibilité des dépenses liées à la détention de ce véhicule, considérant qu'elles n’étaient pas supportées par la société dans son intérêt, pour les motifs suivants :

 

  • le véhicule était utilisé dans les faits par le gérant dans le cadre de compétitions sportives ;

 

  • le véhicule utilisé n'était le support d'aucune publicité relative à la société ;

 

  • la notoriété personnelle de l'intéressé n’était pas d’un niveau tel qu’elle aurait eu une influence sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, dont l'évolution demeurait indépendante de sa participation aux compétitions automobiles. 

 

Le juge a (sans surprise) donné raison à l’administration fiscale.

Cet arrêt lu a contrario donne des indices précieux sur ce qui aurait pu justifier la détention du véhicule par une société : des capacités de pilote incontestées (qui pourraient apporter une notoriété à l’entreprise et développer sa clientèle) ou encore un impact substantiel du véhicule sur la campagne promotionnelle de l’entreprise (et donc sur le chiffre d’affaires). 

Quels sont les risques associés à ce type de redressement ? Au refus de la déductibilité fiscale des dépenses constatées à tort peuvent s’ajouter des pénalités et des intérêts de retard. Mais ce n’est pas tout ! L’administration fiscale peut également : 

 

  • remettre en cause la déductibilité de la TVA acquittée sur les dépenses critiquées ;

 

  • imposer le dirigeant ou l'associé qui a bénéficié d’une mise à disposition gratuite du véhicule. 

 

Enfin, ces problématiques ne se limitent pas à des enjeux fiscaux, mais peuvent avoir d’autres répercussions juridiques (contentieux entre associés ou avec les salariés), financières (risque d’engagement de la responsabilité du dirigeant) ou comptables (refus de la certification des comptes par le commissaire aux comptes).

 

Quid des dépenses de parrainage ? Nous avons consacré une étude spécifique aux dépenses de sponsoring !

 

Quid de l’activité de location ? Si l’entreprise loue les véhicules qu’elle porte à son bilan, alors les dépenses liées à la détention du véhicule deviennent par principe conformes à son intérêt social. Il faut néanmoins demeurer vigilant et s’assurer de la réalité de cette activité. Attention notamment aux prix pratiqués entre entités d’un même groupe ou avec des proches.

II. UNE CHARGE MÉRITANT UNE ATTENTION PARTICULIÈRE : L’AMORTISSEMENT DU VÉHICULE IMMOBILISÉ

L’une des principales charges créées par l’acquisition d’un véhicule que l’entreprise porte à son bilan (en immobilisation) est la charge d’amortissement qui a pour vocation de tenir compte de l’usure de celui-ci. Chaque année l’entreprise peut en principe déduire une charge correspondant à la dépréciation du véhicule. La déduction fiscale des annuités d’amortissement est néanmoins plafonnée, ce qui peut dans certains cas aboutir à une surimposition. 

a. Mode de détermination de la limitation

Le barème dépend du mode d’immatriculation du véhicule, c’est-à-dire s’il a été immatriculé selon la méthode de détermination des émissions de dioxyde de carbone dite WLTP (véhicules immatriculés en principe à compter du 1er mars 2020) ou non :

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Le taux d'émission de CO2 est indiqué sur le certificat d'immatriculation ou, à défaut, sur la documentation technique fournie lors de l'achat. 

 

En cas d'opérations de crédit-bail ou de location, à l'exception des locations de courte durée n'excédant pas trois mois non renouvelables, la fraction déductible est égale à la part du loyer supportée par le locataire et correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition du véhicule qui excède les limites déterminées ci-dessus.

La base d’amortissement est-elle TTC ou HT ? La TVA payée lors de l’acquisition du véhicule n’étant généralement pas déductible, celle-ci est amortie sur la durée de vie de ce dernier. En d’autres termes, elle est incluse dans le prix d’acquisition du véhicule (qui s’entend toutes taxes comprises) qui donne lieu à amortissement. Il convient donc de tenir compte du prix TTC pour déterminer la limite d’amortissement. 

 

Quid du prix des options et accessoires ? Le prix d’acquisition donnant lieu à amortissement tient compte des équipements et accessoires, que ceux-ci soient fournis avec le véhicule ou qu'ils fassent l'objet d'une livraison distincte, sauf s’ils fonctionnent de manière autonome.

 

Quid des frais d'entretien des voitures ? Ces charges ne constituent pas des amortissements et sont déductibles dès lors qu’elles sont conformes à l’intérêt de la société.

b. Champ d’application du dispositif de limitation de la déductibilité fiscale des amortissements

En principe, la déductibilité fiscale de l’amortissement des véhicules de tourisme est limitée à une fraction de leur prix d’acquisition. Ce prix d’acquisition s’entend toutes taxes comprises, lorsque la TVA n’est pas déductible (allez voir notre fiche consacrée à la déductibilité de la TVA).

 

La limite dépend de la date d’acquisition du véhicule et/ou de la quantité de dioxyde de carbone émise. Ne sont concernés que les véhicules mis pour la première fois en circulation après le 1er juin 2004. 

 

En revanche, les entreprises pour lesquelles la disposition des véhicules concernés est nécessaire à l’exercice de l’activité en raison même de leur objet ne sont pas concernées par ces limitations. Sont ici essentiellement visées les entreprises de transport de personnes, les auto-écoles et les entreprises de location de véhicules mais également les entreprises proposant des stages de conduite sportive (Réponse. Julia : AN 17-5-2011 n° 84180, non reprise dans BOFiP).

Quid des véhicules non-immatriculés ? Il peut par exemple s’agir de véhicules utilisés uniquement sur circuit (dans un cadre compétitif ou non). Historiquement, le champ d’application des règles de limitation de la déduction des amortissements était identique à celui de la taxe sur les véhicules de société (TVS) dont étaient exclus les véhicules non-immatriculés. Les véhicules non-immatriculés échappaient donc à la limitation. L’exclusion n’est désormais plus aussi évidente mais on notera que la doctrine administrative (qui n’a pas été mise à jour) ne vise pour le moment que les véhicules immatriculés. Affaire à suivre !

 

Quid des véhicules immatriculés en plaques « garage » ? Il s’agit en pratique des véhicules immatriculés dans les séries « W » ou « WW ». Par principe, ces véhicules sont généralement comptabilisés en stocks (et donc non-amortis). Néanmoins, pour le cas où la détention serait plus pérenne et où un amortissement serait pratiqué, le champ d’application relativement large des textes devrait avoir pour effet d’inclure ces véhicules dans le champ de la limitation (sauf s’ils sont nécessaires à l’exercice de l’activité en raison même de leur objet). 

 

Quid des véhicules immatriculés à l’étranger ? L’immatriculation du véhicule à l’étranger n’a pas pour effet d’exclure le véhicule du champ d’application de ce dispositif. Notons d’ailleurs, de manière générale, que l’immatriculation d’un véhicule à l’étranger pour des raisons fiscales peut donner lieu à des contestations de la part de l’administration fiscale. 

Quid des « pick-ups » ? Jusqu'alors, seuls les pick-ups comportant 5 places entraient dans le champ d’application de ce dispositif. L’intention du législateur est de faire évoluer la définition des véhicules de tourisme pour inclure les pick-ups de 4 places (sous réserve de certaines exceptions).   

 

Quid des motos, tricycles et quadricycles à moteur ? Ces véhicules appartiennent à la catégorie L. Ils n’entrent pas dans la définition de véhicule de tourisme et ne sont donc pas concernés par le dispositif de limitation. 

 

Quid des véhicules transformés pour fonctionner au GPL ? Lorsque des améliorations, telles que la transformation d’un véhicule essence en véhicule fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié (GPL), conduisent à procéder à une réception isolée du véhicule et à modifier les caractéristiques figurant sur la carte grise, il est admis que soit retenu le taux d’émission de CO2 figurant sur la nouvelle carte grise.

 

Quid d’un véhicule acquis dans le cadre d’une opération de sponsoring ? L’administration fiscale admet que les dépenses d’acquisition ou de location de voitures particulières spécialement équipées pour participer à des compétitions automobiles de manière durable et affectées exclusivement à cet usage peuvent être qualifiées de dépenses de parrainage et échapper au dispositif de limitation (cliquez ici pour accéder à notre étude sur les dépenses de parrainage).  

c. Conséquences en cas de cession

L’amortissement ne présente qu’un avantage fiscal temporaire dès lors que : 

 

  • soit le véhicule se déprécie réellement, et alors il anticipe une perte future ; 

 

  • soit le véhicule ne se déprécie pas, ou se déprécie moins vite que l’amortissement, et il est repris au moment de la cession (le prix de vente excède la valeur nette comptable). 

 

La limite de déduction fiscale des amortissements présente un inconvénient fiscal souvent mal anticipé par les contribuables : en cas de plus-value de cession comptable (différence entre le prix de cession et valeur nette comptable après amortissements), celle-ci n’est pas minorée des amortissements non-déduits au titre des exercices d’utilisation du véhicule. 

 

Ces amortissements non-déduits sont donc définitivement perdus et peuvent conduire à une imposition qui n’est économiquement pas fondée. Prenons un exemple !

Exemple : la société acquiert un véhicule pour 50 000 € qu’elle amortit sur 5 ans. Le plafond de déduction des amortissements est de 9 900 €. La société constate donc un amortissement annuel de 10 000 € dont elle ne peut déduire que 1 980 €. 

 

Au bout de cette période de 5 ans, la société vend le véhicule pour 20 000 €. La valeur nette comptable du véhicule est de 0 € après prise en compte des amortissements pour 50 000 €, tandis que le véhicule n’a été fiscalement amorti que pour 9 900 €. La société se retrouve imposée sur 20 000 € sans possibilité de prise en compte des 40 100 € non déduits. 

Pour éviter ce type d’imposition, il est important de réfléchir en amont à la structuration de son investissement, car des solutions existent ! Elles consistent par exemple à ne pas porter au bilan de la société le véhicule (en contrepartie d’une option pour le barème kilométrique pour les entrepreneurs, ou du remboursement de frais kilométriques pour les salariés - nous y consacrerons une étude) ou résultent de certains choix comptables

III.  CONCLUSION

L’opportunité d’un apport ou d’une acquisition d’un véhicule par une société (voir par une entreprise individuelle) est un arbitrage complexe impliquant plusieurs impôts et dépendant de plusieurs facteurs économiques qu’il convient d’anticiper (notamment la possibilité de réaliser ou non une plus-value). 

 

Avant de procéder à une telle opération (dont les conséquences ne sont pas toujours réversibles), il faut s’assurer de son efficacité, notamment lorsque certaines alternatives existent! 

Nos commentaires s'appliquent tant aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés qu’aux sociétés de personnes (type SCI ou SNC) et entreprises individuelles imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) et des bénéfices agricoles (BA).

En refermant cette page, n’oubliez pas d’aller consulter nos fiches sur la TVA et la TVS. Ce serait dommage de ne pas tenir compte de ces enjeux dans votre analyse.  

Textes de référence :
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